lundi 31 octobre 2011

Poème de François-Noël SIMONEAU

POÈME
1


dans l’épaisseur mauve
des terres disjointes
où la trace perd couleur
où s’annulent piste et courses dérisoires
il a fallu chercher

parmi les signes improbables
quel rite conviendrait
à ce cheminement
alors que nous marchons
sans repères et sans rythme
à quel moment saurons-nous

l’un à l’autre glisser
la parole décelée sous l’écorce
dans le silence des fûts
après l’entaille et la blessure d’aubier ?

2

comme un cheval
dont la course
au fil de l’ombre
s’efface et force
le regard à se tendre
tu longes la douve
guettes la pierre ouverte
où pointera le trait

ton amble
suit l’eau des carpes
où déjà se tissent
une mémoire et
sous la vase
à fleur de roc
le signe fragile
du passage

3

et tout ce beau silence
dont nous n’aurons rien fait
de plus qu’un adieu maladroit
le monde ici n’en finit pas
de s’achever de se diluer
il recompose toute substance
et la conduit à se fondre
en sa propre matière
incertaine improbable
c’est un champ de gravats
que ne pousse à verdir
ni la graine oubliée ni la terre
à son tour effacée

4

tu sais que le monde
se dilue en un point
hors de cette ligne
où tu inscris ta lutte
patiemment sans rupture
dans ta marche serrée
contre le temps
tu avances tu aménages

ce carré précaire
où marquer NON
d’un bout à l’autre
et que toute main
n’est pas complice
de renoncer à vivre

5

et puis ça n’aura plus marché
le mode aura cessé d’agir
plus rien sous la peau n’aura gonflé
seule épaisseur tiède sous la main
le sang glissé du cœur et le tien
les rails de la nuit saccadée

auront mené vers d’autres lieux
encombrés de mémoire inutile
que savons-nous encore de ce trait

passe d’aile aussi légère
que rien n’aura soufflé sur nous ?
une écorchure tout au plus

la nôtre sur un calicot froissé


François-Noël SIMONEAU Enseigne l’allemand en France ou le français à l’étranger puis les langues et la littérature scandinaves à l’université de Lyon 2. Ensuite différents postes administratifs ou politiques (ministères et collectivités). Divers recueils entre 1963 et 1972 (Chambelland, P.-J. Oswald, Club du Poème) et contribution (poèmes, articles, traductions) à quelques revues (Les Temps Modernes, Solaire, Verso, Poésie 1, Change, Lettres Nouvelles…) Plus grand chose depuis bientôt 30 ans si ce n’est notes éparses et rêves ça et là, furtivement échappés d’une vie trop active pour laisser place aux exigences de l’écriture… Une capacité de " travail dissocié " bien relative : autre raison de cette absence. Mais une amitié assez vive pour Gérald Martinand –si vieille complicité- et une conscience de la force de sa démarche suffisamment profonde pour vouloir assembler quelques textes en forme d’hommage.